Prologue : Quelque part vers le causse Méjean…
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Contexte de la démonstration
Introduire subtilement un roman en donnant quelques clés sans jamais rien dévoiler.
L’écriture d’un prologue
Analyse littéraire du document
Ce texte utilise un procédé littéraire qui sera particulièrement adapté au lectorat ciblé pour :
- Créer l’univers du livre, à la fois sombre, fantastique, et parfois sensuel.
- Décrire un personnage doté d’une insuffisance intellectuelle.
- Parler de la mort de manière précise, et sans voyeurisme.
Argument finalement retenu
Ce prologue amorce le cycle Joseph d’En Nazira.
Il décrit le moment où un homme arrive aux termes de son existence et accède à une nouvelle transcendance.
Quelque part vers le causse Méjean… est un extrait de roman fantastique écrit par Pierre-Gilles Launay, Le Corrigeur, le 28 février 2008.
Le Corrigeur a été dans une autre vie (de 1992 à 1998) le pilier de 3 grands magazines professionnels. Il était lu chaque mois par environ 15 000 lecteurs.
Voici une démonstration de ses compétences d’écriture.
Cycle Joseph d’En Nazira
Quelque part vers le causse Méjean…
L’homme avait volé la limousine quelques heures plus tôt. Il s’engageait maintenant dans un chemin de terre, grimpant péniblement dans la forêt. Il roulait précautionneusement et il prenait garde de ne pas abimer le véhicule.
Cet effort de concentration accentua la sueur qui coulait déjà à flots.
Il terminerait son périple là où Sire Balduc, le Diable de Mende, avait posé son pied pour enjamber le causse et sauter dans les Gorges de l’Enfer, près de Fontanilles, la montagne aux sept fontaines. Il montait au Truc de Balduc.
Il arrivait. Il découvrait enfin la chapelle qu’avaient naguère rénovée les scouts sur ce plateau autrefois aride.
Que de chemin n’avait-il pas parcouru depuis qu’il avait découvert, enfant, ces gamins venir, semaine après semaine, sortir de terre et transformer en splendide maison de Dieu, ce qui n’était qu’une ruine informe ! Qui aurait pu se douter, en la voyant auparavant, que Dieu y avait déjà habité ? On n’apercevait alors qu’une misérable bergerie, noyée sous la boue et les excréments ! Tout cela avait bien changé.
Il arrêta son véhicule et retira une enveloppe de son portefeuille. Il y glissa quelques billets de 100 et écrivit à la place de l’adresse : « Merci. Voici pour vous avoir chouré votre tire ».
L’homme s’extirpa péniblement de l’automobile. Il ouvrit le coffre, en sortit un chiffon, et entreprit de lustrer la carrosserie. Il décrotta les jantes, nettoya le garde-boue, et balaya toute la sellerie. Elle devait étinceler.
Cela fait, il prit un briquet dans la boite à gants, entassa une bonne centaine de billets venant de ses poches – tout ce qu’il possédait – et les enflamma. Ensuite ? Il se déshabilla. Il plia soigneusement ses vêtements, versa de l’essence dessus, et y mit également le feu.
Il attendit patiemment l’achèvement de la combustion puis il creusa un petit trou. Il y enterra toutes les cendres et reboucha le tout méticuleusement, jusqu’à faire disparaitre toute trace de terre fraiche.
Il était prêt ; il était nu : il regarda une dernière fois le plateau si désolé de cet enfer, de la Lozère, de sa terre de misère, dont un dicton disait que si l’on avait pu vendre ses cailloux, la Lozère aurait fait des stères de fortune… mais les Lozériens n’avaient rien, alors il était parti.
Il entra dans la chapelle. C’était le moment. Il s’agenouilla. Il pria longuement, ânonnant inlassablement « Mon Dieu, ne pourrez-vous jamais me pardonner tous mes péchés ? »
La sueur ne coulait plus. La paix l’avait envahi. C’était sa dernière prière. Il allait mourir.
Il se tourna vers l’immense falaise de calcaire que surplombait le Truc de Balduc et il prit son élan. Il courut de plus en plus vite en longues enjambées sur le plateau, en direction du vide, de l’immense vide.
Quand il l’atteignit, il ne ralentit ni ne modifia en quoi que ce soit sa folle course vers la mort.
Un sourire béat illuminait enfin son visage.
Il chutait. Le sol arrivait à toute vitesse. Le choc oppressa soudainement toutes ses terminaisons nerveuses.
Il était mort.
Mais comment s’appelait-il et qui était-il ?
Ailleurs, bien plus tôt, la vie allait prendre son envol.
Clermont-Ferrand, le 28 février 2008.